TAUX DE CHANGE EN RDC : LA FRACTURE ÉCONOMIQUE ENTRE L’OFFICIEL ET LE RÉEL.

L’économie de la République Démocratique du Congo fait face à une crise de confiance monétaire exacerbée par des disparités régionales alarmantes. Tandis que la Banque Centrale du Congo (BCC) fixe le taux officiel à 2470 Francs Congolais (FC) pour un dollar, le marché parallèle révèle une réalité beaucoup plus volatile et inquiétante. Cet écart n’est pas qu’un simple désaccord comptable : il est le symptôme d’une fragmentation économique où le taux officiel peine à refléter la valeur perçue du Franc Congolais sur le terrain, déclenchant une panique généralisée chez les acteurs économiques.

La fracture est particulièrement
flagrante dans l’Est du pays, en proie aux conflits. Dans les zones occupées par la coalition M23-AFC, le dollar s’échange entre 2500 FC et 2800 FC, un taux bien supérieur à l’indicatif. Cet écart s’explique par la rupture des chaînes d’approvisionnement, l’insécurité et l’absence de régulation monétaire étatique effective. Parallèlement, dans un centre économique comme Lubumbashi, la nervosité du marché prend une autre forme : des cambistes se précipitent pour se débarrasser des devises, acceptant jusqu’à 20.000 FC pour un billet de dix dollars (soit 2000 FC/$), illustrant la force de la spéculation et la rapidité avec laquelle les rumeurs peuvent créer un chaos dans la détermination des prix locaux.

Cette volatilité a des conséquences directes et dramatiques sur le quotidien des Congolais. Le pays étant fortement dépendant des importations, chaque dépréciation du Franc Congolais se traduit immédiatement par une hausse des prix des biens de première nécessité. Les commerçants se plaignent d’une instabilité qui rend toute planification impossible, tandis que les ménages voient leur pouvoir d’achat s’effondrer. Cette situation est le moteur de l’inflation et plonge une grande partie de la population dans une précarité accrue, transformant le taux de change en un indicateur direct de la misère sociale.

Face à ce climat d’instabilité, les agents économiques adoptent des stratégies de survie qui renforcent la fragilité du Franc Congolais. Le réflexe dominant est la dollarisation de l’épargne : les particuliers préfèrent garder leur argent en dollars pour préserver sa valeur, plutôt qu’en Francs Congolais qui se déprécient chroniquement. Ironiquement, même une courte période d’appréciation du Franc Congolais (baisse du taux du dollar) peut provoquer une panique de vente du dollar pour éviter toute perte de valeur à court terme. Cette préférence pour la devise étrangère limite la capacité de la BCC à user efficacement de la politique monétaire pour stabiliser l’économie.


Pour restaurer la confiance dans la monnaie nationale et le pouvoir d’achat des citoyens, une action concertée est indispensable. La BCC doit non seulement renforcer ses interventions ciblées pour lisser la spéculation, mais l’État doit impérativement stabiliser les régions en conflit pour y rétablir l’autorité monétaire et fiscale. Sans ces mesures, le taux officiel restera un idéal théorique, et l’économie congolaise continuera d’être pilotée par les pressions du marché parallèle et les stratégies de survie, au détriment de la stabilité et du développement.

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