Dans plusieurs villes de la République Démocratique du Congo, une réalité inquiétante frappe de plein fouet la jeunesse : le chômage, le manque de perspectives et l’absence de soutien poussent de nombreux jeunes à se réfugier dans des activités de distraction ou à vivre dans une attente passive. Ce constat, basé sur une enquête de terrain, révèle une génération en détresse, souvent inconsciente de sa propre perte de repères…
Après avoir obtenu leur diplôme d’État, un graduat ou une licence, beaucoup de jeunes ne trouvent pas d’emploi, ni d’opportunité concrète pour se lancer dans la vie. Ils errent dans une sorte d’impasse, entre espoirs lointains, dépendance familiale ou affective, et activités numériques non rentables.

À la question simple « Tu fais quoi dans la vie ? », voici quelques réponses poignantes que nous avons recueillies :
Grâce Bula, diplômée d’un graduat en sciences politiques, explique :
« Mon frère est aux USA et ma sœur est à Dubaï, j’attends qu’ils m’amènent aussi. »
Une réponse qui montre une jeunesse tournée vers l’étranger comme seule porte de sortie, souvent sans projet concret sur place.
David Mosengwo, licencié en communication, déclare quant à lui :
« Je suis admin des groupes WhatsApp et Facebook. »
Derrière cette phrase se cache une réalité numérique : beaucoup de jeunes passent leurs journées sur les réseaux sociaux, sans que cela ne génère de revenus ou ne construise un avenir stable.
Shabani Faustin, titulaire d’un diplôme d’État en pédagogie générale, semble miser sur l’héritage familial :
« Je patiente jusqu’à l’héritage des biens de mon père. »Amédée Zeituni, licencié en Droit, est encore plus désabusé :
« Je passe mes journées à accompagner mes potes, et l’un ou l’autre entre eux m’achète les forfaits internet jour après jour, ou la bière. »Angelina Zilfa, diplômée d’un graduat en sciences infirmières, nous dit :
« Je suis tiktokeuse. Je passe les journées à faire des vidéos sur TikTok. »
Bien que certains trouvent dans les réseaux une forme d’expression, très peu arrivent à en tirer un véritable revenu.
Gabriella Sifa, titulaire d’un diplôme d’État en techniques sociales, raconte :
« Je pars chez mon mec pour lui préparer à manger jour après jour, en attendant qu’il m’épouse. »Enfin, Sarah Kakole, licenciée en sciences économiques, essaie de rendre service à une amie :
« Je publie les articles d’une copine à moi sur mes réseaux sociaux. Si je trouve un client, je lui fais signe. »

Ces témoignages montrent une jeunesse à la dérive, en attente d’un déclic, souvent résignée, parfois livrée à elle-même. Le plus grave, c’est que cette situation devient normale pour beaucoup.
Cette crise silencieuse doit interpeller l’État, les autorités publiques et morales, mais aussi les parents. Le désespoir de ces jeunes n’est pas seulement personnel ; il est aussi collectif et national.
Le gouvernement congolais, avec ses partenaires, doit mettre en place des politiques claires de soutien à l’entrepreneuriat des jeunes, favoriser la création d’emplois décents, et renforcer l’orientation professionnelle dès l’école. Il faut également investir dans des centres d’accompagnement pour aider les jeunes à développer des projets, accéder aux financements, ou même être formés dans des métiers d’avenir.
Les jeunes, quant à eux, doivent prendre conscience de leur potentiel et refuser de rester passifs. Ce n’est pas toujours facile, mais même de petites initiatives peuvent ouvrir des portes. Rêver de partir à l’étranger ne doit pas devenir une excuse pour ne rien faire ici.
La jeunesse congolaise est pleine de talents, d’idées et d’énergie. Mais sans emploi, sans projet, et sans soutien, elle risque de se perdre dans des illusions ou des distractions éphémères. Il est temps de tirer la sonnette d’alarme. L’avenir du pays en dépend.
Patrick Mulemaza…